L’huile de palme, une huile utile au monde

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C’est à la fois l’une des huiles les plus utilisées et les plus controversées au monde. De nos jours, elle est tellement bon marché qu’on en trouve presque partout: dans l’alimentation, dans le savon, le rouge à lèvres, certains carburants et même l’encre des journaux. Cette huile est un lubrifiant et un additif très efficace, ce qui explique aussi pourquoi elle a un tel succès.

Cependant, depuis quelques années, l’huile de palme est de plus en plus critiquée, notamment pour son impact environnemental et social désastreux, en particulier la déforestation en Indonésie et en Malaisie, dont les images spectaculaires ont fait le tour du monde.

Mais pour comprendre comment cette huile a pu devenir une telle industrie, il faut remonter le temps. Car comme toujours, on ne peut pas bien comprendre le présent sans connaître le passé.

Une huile originaire d’Afrique

On associe généralement l’huile de palme à l’Asie, plus précisément à l’Asie du Sud-Est, car c’est là qu’elle est majoritairement cultivée de nos jours. En réalité, elle provient à l’origine du continent africain. On l’utilisait par exemple en Égypte antique. Mais c’est surtout en Afrique de l’Ouest qu’elle était consommée, pour l’alimentation. L’huile y était produite manuellement et commercialisée entre les différents royaumes africains de la région.

L’huile de palme est entrée dans l’économie mondiale au XVIe siècle, en parallèle de l’essor de la traite négrière transatlantique. Elle servait à nourrir les captifs sur les navires, afin de les maintenir en vie durant cette terrible traversée de l’Atlantique. Au XVIIe siècle, l’huile de palme est à son tour devenue prisée en Europe pour les soins de la peau, mais seulement pour une élite.

Après l’abolition de la traite, les commerçants ont cherché à s’approvisionner autrement, de façon légale. C’est ainsi qu’au cours du XIXe siècle, ils ont encouragé les États européens à réduire les tarifs sur l’huile de palme et à en acheter davantage aux États africains, ce qui en a fait un produit de moins en moins cher. Dès 1840, l’huile de palme remplace le suif animal, comme l’huile de baleine, dans le savon et les bougies.

Par ailleurs, dans le contexte de la révolution industrielle, l’Europe utilise également de plus en plus l’huile de palme comme lubrifiant pour graisser les machines. Au début du Xxe siècle, la demande augmente encore, pour répondre aux besoins des secteurs du savon et de l’agroalimentaire. Cette huile devient tellement bon marché qu’elle remplace peu à peu les graisses animales, comme le beurre, et les huiles végétales hydrogénées, comme le colza et le soja.

Les industriels de l’agroalimentaire et du savon, comme l’homme d’affaires britannique William Lever, cherchent d’abord à s’approvisionner en huile de palme dans les colonies européennes d’Afrique. Mais cette situation provoque des conflits avec les communautés africaines, pour qui la production traditionnelle d’huile à la main est toujours rentable. Celles-ci refusent donc le plus souvent de fournir des terres et de la main-d’œuvre.

Face à cette situation, pour répondre à leurs nouveaux besoins, les industriels décident de s’implanter et d’enrôler des travailleurs locaux de force, débouchant sur des heurts violents. Ces difficultés freinent le développement industriel de l’huile de palme en Afrique.

Adoptée par l’Asie

C’est finalement en Asie du Sud-Est, où le palmier à huile a été introduit pour la première fois par les Européens en 1848, sur l’île indonésienne de Java, que ces industries ont le plus de succès. Ce palmier s’est vite adapté à son nouvel environnement asiatique. Dans les années 1930, les Indes néerlandaises (Indonésie actuelle) et la Malaisie britannique exportent davantage d’huile de palme que toute l’Afrique.

Ces plantations sont généralement cultivées par des travailleurs chinois et indiens ayant quitté leur pays pour migrer dans les colonies européennes d’Asie du Sud-Est, en raison des difficultés économiques et de la pression démographique chez eux. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, après leur indépendance, l’Indonésie et de la Malaisie décident de maintenir et même d’accroître la production d’huile de palme pour booster leur économie.

Mais le secret de la pollinisation des palmiers à huile se trouve à la source, en Afrique. C’est le géant de l’agroalimentaire Unilever qui découvre que les insectes Elaeidobius kamerunicus, qui entourent les fruits de ces palmiers au Cameroun, sont les artisans de la pollinisation.

Ces insectes sont donc introduits en Malaisie et en Indonésie en 1981. Résultat: les rendements d’huile de palme explosent. Les deux pays consacrent alors beaucoup plus de terres aux plantations de palmiers à huile. Et les exportations se dirigent désormais principalement vers les pays asiatiques, notamment l’Inde (premier pays consommateur mondial).

Un produit hyper concurrentiel

Le palmier à huile a beaucoup d’atouts. Il est vivace et persistant, ce qui permet des cultures toute l’année. Il est aussi très résistant à la lumière et à la chaleur. De plus, on peut cultiver cette huile sans avoir besoin de travailler beaucoup le sol, en comparaison d’autres huiles végétales, ce qui réduit les coûts.

Surtout, le palmier à huile a un rendement plus fort que les autres cultures oléagineuses: il produit cinq fois plus d’huile par hectare que le colza, six fois plus que le tournesol et huit fois plus que le soja. C’est pourquoi l’abandon d’une partie de la production d’huile de palme risquerait d’entraîner une augmentation de la production d’autres huiles nécessitant plus de terres cultivées, engendrant ainsi plus de déforestation.

Enfin, dans les années 1990, les régulateurs américains et européens ont décidé de réduire les gras trans, un type de gras présent dans les huiles partiellement hydrogénées, en raison de leurs effets sur la santé. Les industriels se sont alors tournés vers l’huile de palme comme substitut bon marché et efficace.

Les problèmes que pose l’huile de palme

Cette huile est de plus en plus critiquée, puisque pour répondre à la demande, les autorités indonésiennes et malaises se sont résolues à laisser les entreprises agroalimentaires la cultiver au détriment de l’environnement, notamment les forêts, qui ont perdu d’énormes superficies. C’est évidemment une catastrophe pour les écosystèmes indonésiens et malais, mais aussi pour le climat mondial.

Comme on le sait, les arbres absorbent du carbone et rejettent de l’oxygène. En rasant les forêts, on libère donc tout le carbone absorbé, ce qui aggrave considérablement le réchauffement climatique. L’intensité de la déforestation fait de l’Indonésie le quatrième émetteur mondial de gaz à effet de serre.

Outre les dégâts environnementaux, l’huile de palme est critiquée pour son lourd impact social, voire humanitaire, par exemple en ce qui concerne le travail des enfants dans ces plantations, dont les conditions sont déplorables. Par ailleurs, l’extension des plantations de palmiers à huile menace aussi les terres de petits fermiers et de peuples autochtones.

Les solutions proposées

Face aux critiques de plus en plus virulentes, les producteurs d’huile de palme se sont engagés à se tourner vers une huile certifiée «durable». Mais cette huile de palme durable, nommée RSPO, est elle-même critiquée pour le manquement à ses normes.

Une autre solution serait d’augmenter les rendements des plantations de palmiers à huile, pour ne plus avoir à étendre celles-ci à des zones recouvertes de forêts naturelles. C’est pour cela que la travaille actuellement à sélectionner les palmiers les plus productifs. Malaysian Palm Oil Board

Mais même le doublement des rendements ne permettra pas de répondre au quasi-quadruplement de la demande, prévu d’ici à 2050. Et renoncer à l’huile de palme n’est pas non plus forcément une bonne idée: comme expliqué plus haut, cela risquerait paradoxalement d’accélérer la déforestation.

Il n’y a donc pas de solution évidente à ce problème complexe. Scientifiques et écologistes continuent de chercher des moyens de produire de l’huile végétale sans entraîner de déforestation, en essayant de concilier économie et environnement. Mais le temps presse…

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