Durant le règne de Napoléon Bonaparte ou Napoléon Ier, il y’a eu un long épisode de confrontation (1806-1814) avec le pape Pie VII. Ce n’était pas la première fois entre les gouvernants français et le Saint-siège puisque bien avant son avènement comme empereur, le Directoire, régime qui gérait la vie constitutionnelle française avec ses guerres avait aussi combattu et emprisonné Pie VI, son prédecesseur. D’ailleurs en remontant plus loin encore, un autre long bras de fer avait opposé Philippe IV Le Bel (1268-1314) le roi français et Boniface VIII (élu pape le 24 décembre 1294) mais ce dont on parle aujourd’hui concerne Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII
La Révolution française et les sources du conflit
Les conflits qui naissent ne sont jamais une génération spontanée, ils ont toujours une source. L’adversité entre le nouvel empereur et le pape Pie VII est le prolongement de ce à quoi son prédecesseur le pape Pie VI avait été confronté auparavant sous le Directoire de la Révolution française.
En effet, avant la Révolution, l’Eglise comme la Noblesse ont de nombreux privilèges parmi lesquels des avantages fiscaux et la dîme qui sera supprimée le 11 août 1789, privant le clergé d’une grande partie de ses ressources. Le 2 novembre 1789, les biens de l’Eglise sont saisis et nationalisés pour être vendus plus tard afin d’assurer l’extinction de le dette et combler le déficit de l’Etat. Les ordres religieux sont supprimés. La Constitution civile du clergé transforme les membres de l’Eglise en fonctionnaires salariés de l’Etat, les membres du clergé doivent être élus et prêter serment, un ensemble de lois de réorganisation de l’Eglise de France sans avoir consulté ni obtenu l’aval du pape Pie VI. C’est une révocation des pouvoirs du Saint-siège accordé depuis 1000 ans par Pépin Le Bref ( roi des Francs né en 1714 et mort en 1768) que celui-ci d’ailleurs n’acceptera pas, partageant en cela les choses avec une grande partie du clergé de France dite réfractaire. Des troubles éclatent même entre protestants et catholiques comme cela avait déjà été le cas auparavant, pendant le guerre des religions. Cette période marque le début de la grande offensive de la Déchristianisation de la France. Il y’a déjà des germes.
L’irruption de Napoléon sur la scène française et européenne
Après le déclenchement de la révolution de 1789 qui instaure la monarchie constitutionnelle, la République et le régime de la Convention de 1792 viennent mettre fin à la Monarchie constitutionnelle avec un objectif d’obtenir une stabilité constitutionnelle.
Pour autant, la recherche de la démocratie étant une longue marche, des événements violents et multiformes, le «régime de la terreur» et bien d’autres intrigues finiront par faire disparaître la Convention. En effet, le 26 octobre 1795 les royalistes de l’assemblée, tentent un coup d’Etat en invitant Napoléon, le général en chef de l’Armée d ‘Italie (nom donné à l’armée de Napoléon présente le littoral et l’arrière pays dans les Alpes maritimes) à en devenir le protecteur. Un militaire invité dans la vie politique.
Le Directoire remplace le régime de la Convention, mais ne met pas fin aux mêmes intrigues et instabilités qui ont émaillées la Révolution française. Pour mettre fin à toute ce désordre, Napoléon Bonaparte qui se sent poussé des ailes après ses nombreux succès militaires, fait le coup d’Etat du 18 Brumaire 1799, et instaure le Consulat, un régime dictatorial.
Pour rappel, tout le long de son cheminement, la Révolution française n’a pas mis fin aux guerres et il n’en a pas été autrement sous le régime du Directoire. En effet, voulant protéger ou étendre sa révolution républicaine aux autres pays qui sont encore des royaumes, la France est en guerre contre ses voisins en Europe et son bras armé est le jeune général Napoléon. Sous sa direction, le régime du Directoire lui demande d’ envahir l’Italie, ce qu’il fait, obligeant l’Autriche à signer le traité de Compo Formio en 1797.
Rome pour l’instant, est épargné mais lorsque le général Duphot, activiste pro-Directoire est tué involontairement par un gendarme pontifical, ce prétexte suffit au Directoire pour envahir Rome. Il est demandé à Pie VI le pape de renoncer à son pouvoir temporel et est à cet effet, l’objet de nombreuses tribulations. Déporté de la ville éternelle à Valence (en France), il y meurt en 1799 avant le coup d’Etat du 18 Brumaire 1799 et l’avènement de Napoléon. La situation n’est donc pas nouvelle pour Pie VII qui a déjà eu à faire au général Augereau quand celui-ci envahit son diocèse d’Imola, l’obligeant à se délocaliser à Rome. Sa demandé personnelle de clémence au général de l’armée de la Révolution permet d’épargner son diocèse et la ville de Lugo qui ne s’était pas montrée sensible à ses conseils pacifiques. Il n’était pas non plus un inconnu de Napoléon qui avait déjà qualifié le discours de 1797 du Cardinal de jacobin.
La confrontation Napoléon Bonaparte et Pie VII (1806-1814)
Qui est le Pape PIE VII le 251è pape de l’église catholique
Barnaba Chiaramonti est né le 14 août 1742 en Romagne (région septentrionnale et centrale de l’Italie) et mort le 20 août 1823 à Rome. Moine bénédictin, il devient Evèque en 1782, Cardinal en 1785 avant d’être élu souverain pontife le 14 mars 1800. Pour son ordination, il prend le nom de PIE VII en hommage à son prédecesseur Pie VI dont il avait été confesseur et dont il était proche.
Issu d’une vieille noblesse, son père est le comte Scipione Chiaramonti et sa mère Giovanna Coronata Ghini, fille de marquis. Noble mais pauvre, (ça arrive) sa foi vient certainement de sa mère, femme très pieuse qui finira par entrer dans un couvent carmélite et y terminer sa vie, après la mort de son mari. Il a très tôt, une vocation pour l’église puisqu’à 14 ans à sa demande, il devient novice (initiation à la vie réligieuse). Brillant et intellectuellement établi, il passe par des institutions académiques prestigieuses qui vont le conduire à obtenir un doctorat après avoir été ordonné prêtre. Au cours de son parcours, il est même soupçonné de Jansénisme (doctrine réligieuse et philosophique née en France qui s’oppose à l’absolutisme royal).
Le Pape Pie VI, prisonnier du Directoire meurt le 29 août 1799 à Valence où il été déporté par le Directoire. Le 14 mars 1800, le conclave réuni à Venise en remplacement du pape décédé, élit le cardinal Chiaramonti 251è pape de l’église catholique. Il prend le nom de Pie VII, en hommage à son prédécesseur. Il choisit par ailleurs comme secrétaire d’État le Cardinal Ercole Consalvi, qui avait beaucoup insisté, alors qu’il refusait d’être candidat à l’élection, ce qui permit son élection. Aidé par ce dernier, le pape Pie VI engage une réorganisation de l’Eglise en l’adaptant au monde moderne.
Napoléon Bonaparte, le Premier consul qui souhaite mettre fin au schisme qui sévit dans l’Église de France et rendre à cette dernière une existence officielle par le biais d’un nouveau Concordat invite le pape à des rencontres. Pie VII se tourne alors vers celui vers qui il a confiance en envoyant Ercole Consalvi négocier avec Bonaparte.
Le pape Pie VI accepte de ratifier le Concordat conclu en 1801 entre Rome et le gouvernement français, s’engageant dans la voie d’une normalisation des relations entre le Saint-Siège et la République française. En effet, le schisme né de la Révolution française qui discernait le Clergé constitutionnel des Réfractaires semblent avoir disparu.
Néanmoins, le 18 avril 1802, la promulgation de soixante-dix-sept Articles organiques qui peut entraîner l’indépendance de l’Église de France vis-à -vis de Rome vient tiédir les bons sentiments du pape que le Concordat semblait avoir résolu. l’Eglise qui a toujours révendiqué son indépendance peut désormais être asservi au pouvoir civil. Avec ces articles « les papes ne peuvent déposer les souverains ni délier leurs sujets de leur obligation de fidélité, les décisions des conciles œcuméniques priment sur les décisions pontificales, le Pape doit respecter les pratiques nationales, il ne dispose enfin d’aucune infaillibilité. » La France restaure de cette façon le gallicanisme, une doctrine qui régit les rapports entre l’Eglise et l’Etat avec une non-subordination de l’Eglise de France à l’autorité pontificale, mais aussi à la surbordination de celle-ci à l’égard du pouvoir royal. En un mot, le pape est soumis au nouveau Consul, mais n’a aucune prise sur ses fidèles et des prérogatives anciennes qui font sa spécificité. Le saint-père ne peut accepter cela.
Afin de pouvoir obtenir l’abrogation des Articles organiques, le pape Pie VI accepte de venir sacrer contre l’avis de la curie romaine, Napoléon Bonaparte auto-proclamé empereur des Français. Au final, le souverain pontife regagne Rome sans avoir rien obtenu de ce qu’il attendait en échange du sacre de Napoléon Bonaparte. Dès lors, les rapports entre les deux souverains vont se détériorer et aller en se dégradant.
Napoléon Bonaparte qui poursuit ses guerres et veut inclure les États pontificaux dans son système continental contre l’Angleterre se voit refuser sa demande par Pie VI : « Votre Sainteté est souveraine de Rome, mais j’en suis l’Empereur ; tous mes ennemis doivent être les Siens », écrit-il au pape le 13 février 1806. Ce à quoi le pape répond que sa charge de pasteur universel lui impose la neutralité. Napoléon décide de passer à la repression. D’abord les Etats de l’Eglise sont réduits au patrimoine de Saint-Pierre et il occupe militairement Rome le 2 février 1808. Les Etats pontificaux sont annexés à l’Empire, le 17 mai 1809 et le pape enlevé par le général Radet dans la nuit du 5 au 6 juillet 1809. Il est d’abord détenu à Savone (Nord d’Italie) de 1809 à 1812, puis à Fontainebleau de 1812 à 1814. L’empereur veut délocaliser le siège de la papauté à Avignon en France. Il va jusqu’à nommer ses propres évêques.
Privé de liberté et de ses Etats, Pie VII actionne les prelats nommés par l’Empereur pour les inviter à faire grève. Ceux qui ne veulent pas obéïr à ses injonctions sont excommuniés. Certains évêchés se trouvent ainsi sans titulaires légitimes. Cette situation contraint Napoléon à convoquer en 1811 à Notre Dame à Paris, un concile national sous le présidence de l’archévèque de Lyon Fesch qui se trouve être son oncle. De ce concile, il ressort que dorénavant, après un refus papal de six mois, il sera permis à un évêque d’obtenir une investiture soit par un évêque de la métropole ou du plus ancien de la province mais il faudra tout de même subordonner l’application des décrets votés à l’approbation du pape, ce que ce dernier évidemment va refuser. La situation reste inchangée et donc rien ne bouge.
Cependant, le 25 janvier 1813, l’Empereur réussit à faire accepter au souverain pontife un nouveau Concordat qui règle la question de l’investiture canonique mais trois jours après le 28 janvier, Pie VII annule sa signature et se rétracte dans une lettre du 24 mars 1813. Un grand malaise s’installe dans le clergé français et les fidèles et le doute aussi. Les guerres et la conscription aggravent la désaffection de l’opinion envers le gouvernement impérial. Les nombreuses défaites qui vont suivre la fin de l’Empire vont contraindre celui-ci à libérer le pape.
Après une confrontation qui a duré environ 8 ans et un emprisonnement de 5 ans, il rentre vainqueur triomphalement à Rome le 24 mai 1814.
N’ayant rien cédé de ses pouvoirs à Napoléon le tout puissant, sa résistance ajoute une grandeur à la papauté, rappelant la même ferme volonté des apôtres qui n’ont jamais voulu se renier dans leur combat pour le Christ.
Il paraît même qu’il intercédera auprès des cours d’Europe et de l’Angleterre pour adoucir le régime carcéral de l’ancien Empereur des Français.